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Le monde où nous vivons est enchanté par l'amour et sans cet enchantement nous n'y séjournerions pas une seconde. Nous sommes jetés dès notre naissance dans un réduit où nous ne pourrions que dépérir, s'il n'y avait la lucarne du cœur donnant sur le ciel. Il n'y a que le cœur de réel dans cette vie, alors pourquoi nous entêtons- nous à rêver d'autre chose ? Les vagues sentimentalités par lesquelles les gens se réchauffent les uns aux autres sont comme les brindilles qui servent à allumer un feu : cela brûle et meurt aussitôt.
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Si Dieu n'est pas dans nos histoires d'amour, alors nos vies ternissent, s'effritent et s'effondrent. Il n'est pas essentiel que Dieu soit nommé. Il n'est même pas indispensable que son nom soit connu de ceux qui s'aiment : il suffit qu'ils se soient rencontrés dans le ciel, sur cette terre. Cette femme avait connu cette grâce, et cette grâce lui était retirée. Dans le café où je l'écoutais ce jour- là, elle parlait du ciel et de son ami, de leur fuite commune, et sa parole était comme deux mains plaquées contre une plaie par où la lumière giclait à flots. La salle où nous étions assis était atroce de même que la ville alentour, énervée et bruyante - comme si on avait mis une musique criarde dans une chambre d'agonie. Si nous ne respirons plus dans le ciel, alors nous suffoquons dans le néant : c'est aussi simple et net.