vire aux grandes roses d'équinoxe comme
aux verrières des Absides.
Et c'est déjà le troisième an que le fruit du mûrier fait aux chaussées de votre rue de si belles taches de vin mûr, comme on en voit au cœur des althaeas, comme on en vit aux seins des filles d'Eloa. Et c'est déjà le troisième an qu'à votre porte close,
comme un nid de Sibylles, l'abîme enfante
ses merveilles : lucioles !
Dans l'Été vert comme une impasse, dans l'Été vert de si beau vert, quelle aube tierce, ivre créance, ouvre son aile de locuste ? Bientôt les hautes brises de Septembre tiendront conseil aux portes de la ville, sur les savanes d'aviation, et dans un grand avènement d'eaux libres
la Ville encore au fleuve versera toute sa
récolte de cigales mortes d'un Été.
...Et toujours il y a ce grand éclat du verre, et tout ce haut suspens. Et toujours il y a ce bruit de grandes eaux. Et parfois c'est Dimanche, et par les tuyauteries des chambres, montant des fosses atlantides, avec ce goût de l'incréé comme une haleine d'outre-monde,
c'est un parfum d'abîme et de néant parmi les moisissures de la terre...
Poème à l'Étrangère! Poème à l'Émigrée!...
Chaussée de crêpe ou d'amarante entre vos hautes malles inécloses ! O grande par le cœur et par le cri de votre race !...
L'Europe saigne à vos flancs comme la Vierge du Toril. Vos souliers de bois d'or furent aux vitrines de l'Europe
et les sept glaives de vermeil de Votre Dame
des Angoisses.
Les cavaleries encore sont aux églises de vos pères, humant l'astre de bronze aux grilles des autels. Et les hautes lances de Breda montent la garde au pas des portes de famille. Mais plus d'un cœur bien né s'en fut à la canaille. Et il y avait aussi bien à redire à cette enseigne du bonheur, sur vos golfes trop bleus,
comme le palmier d'or au fond des boîtes à
cigares.
Dieux proches, dieux fréquents! quelle rose de fer nous forgerez-vous demain? L'Oiseau-moqueur est sur nos pas! Et cette histoire n'est pas nouvelle que le Vieux Monde essaime à tous les siècles, comme un rouge pollen...Sur le tambour voilé des lampes à midi, nous mènerons encore plus d'un deuil, chantant l'hier, chantant
l'ailleurs, chantant le mal à sa naissance
et la splendeur de vivre qui s'exile à perte
d'hommes cette année.
Mais ce soir de grand âge et de grande patience, dans l'Été lourd d'opiats et d'obscures laitances, pour délivrer à fond d'abîme le peuple de vos lampes, ayant, homme très seul, pris par ce haut quartier de Fondations d'aveugles, de
Réservoirs mis au linceul et de vallons en cage pour les morts, longeant les grilles et les lawns et tous ces beaux jardins à l'italienne
dont les maîtres un soir s'en furent épouvantés
d'un parfum de sépulcre,
je m'en vais, ô mémoire! à mon pas d'homme libre, sans horde ni tribu, parmi le chant des sabliers, et, le front nu, lauré d'abeilles de phosphore, au bas du ciel très vaste d'acier vert comme en un fond de mer, sifflant mon peuple de
Sibylles, sifflant mon peuple d'incrédules, je flatte encore en songe, de la main, parmi tant d'êtres invisibles,
ma chienne d'Europe qui fut blanche et, plus que moi, poète.
«Rue Gît-le-Cœur...Rue Gît-le-Cœur...» chante tout bas l'Ange à Tobie, et ce sont là méprises de sa langue d'Étranger.