Une étoile de granit
Inonde ce paysage
Et veut y faire son nid.
Nébuleuse d'un désastre
Dont elle n'est qu'un lambeau,
Elle cesse d'être un astre
Pour éclairer ce tombeau.
Visage sur la muraille
Tout de pierre illuminé!
C'est sur un champ de bataille
Qu'avec lui cet autre est né...
Il s'arrache de la Terre
Et devient le survivant
Du vertige et du mystère
Dans un désert de grand vent.
Les pas de sa multitude
De lui seul vont s'approcher:
Ce profil de solitude
Change en homme ce rocher...
- J'habite (dit ce visage)
Dans une autre profondeur,
A la pointe d'un langage
Dont ma pénombre est la sœur.
"Je mesure ma présence
Au-delà de mon regard:
Un abîme est sa défense
Sur ces chemins de hasard.
"Si j'étais, à hauteur d'homme,
L'enfant de votre clarté,
Je me verrais mourir comme
Si je m'étais déserté.
"Mais une forme plus pure
Se dénoue entre mes bras:
Fleur de feu de ma blessure,
Je ne la nommerai pas...
"Quand j'émerge d'un silence
Par le mien ressuscité,
Cette voix, ma ressemblance,
Dédouble ma vérité.
"Je suis fait d'une parole
Qui déroule autour de moi
La spirale d'un symbole
Auquel ma nuit fait la loi.
"Ce masque d'or, cet échange,
Ce visage mis à nu,
Est-ce toi, ma forme d'ange,
Qui m'as enfin reconnu ?
"Cet orage que j'allume
Me dit qu'il fait toujours noir
Et que rien ne me consume
Quand je brûle sans me voir.
"Suis-je celui que je hante
Sur la piste de l'éclair,
Ce double de mon attente,
Ce dédale de ma chair ?
"Dans le chant qui me traverse
Je n'existe pas encor
Mais mon souffle ne disperse
Que les ombres du décor.
"De toute cette agonie,
De ce coeur sur mon amour,
Une obscure mélodie
Prolonge la fin du jour.
"Pour veiller jusqu'à l'aurore,
Je rassemble autour de moi
Ce visage que j'adore
Dans celui qu'il est pour toi..."