La petite rade est faite au tour. Elle est modelée comme une double coupe, par le maître ouvrier qui boit la mer dans son verre. Des îles ciselées, en marbre rose ou en pierre bleue, selon les heures, sont posées sur l'eau, comme sur une table des aiguières. Elles ferment le petit port, et la falaise, à pic, le partage en deux. Les deux vasques sont pareilles, l'une devant l'autre, telle une grosse main d'homme à côté d'une main d'enfant ouverte: le port en miniature est logé dans la grosse main; et le doigt du milieu, c'est la jetée blanche.
Tout est bleu, bleu, bleu; et les pierres sont blanches. La neige n'est pas d'un blanc plus pur que ces pierres au soleil, entre la mer et le ciel bleus. Au fond, des collines pelées, à la base d'argile rouge, font la haie contre le vent.
Tirées sur les galets, peintes en vert et en bleu, les barques semblent toutes neuves : le bordage, on dirait du sel. Large et long, le quai serpente suivant la courbe de la mer, qui clapote. Toutes les façades sont blanches rehaussées d'un filet ou bleu ou vert. Le quai est une promenade, où ne musent que deux ou trois bons vieux : ils sont bien cuits, le soleil leur a mis sur la peau une peau d'oignon mûr; parfois ils devisent, et parfois ils se taisent; ils causent, de l'œil; et ils se comprennent, branlant du menton, en disant : — Ho-ou ! Les eucalyptus et les tamaris font de longues ombres minces, comme feuilles de sauge. On n'entend pas parler. Les chiens n'aboient pas. Les filets sèchent au soleil, réseau d'or noir, magnifique dentelle; des pêcheurs accroupis les réparent, jambes et pieds nus. On sent un parfum très fin de goudron.
A l'horizon de terre, les montagnes sont noires de pins. Et sur le rivage, descendent jusque dans la vague les collines du vert le plus gris: elles sont tapissées d'immortelles laiteuses; c'est la culture du pays, une plante humble comme une mousse, mais qui a une odeur de thym et d'aromate.