Lorsque, s'échappant d'une âme toujours impuissante à le contenir, l'enthousiasme se répand dans une oeuvre littéraire quelconque, il n'existe pas plus de littérature où il passe qu'il ne reste de spéculation, de sophisme, de logique, de grammaire humaine dans l'esprit de la Pythonisse quand le Dieu est venu et qu'il brûle en elle sur le trépied oraculaire.
C'est un cri, c'est un sanglot, c'est un râle, c'est toute une poussée de clameurs farouches dont le désordre même atteste la puissance et qui révèlent, par la profondeur de l'abîme d'où elles jaillissent, la formidable présence de l'Esprit surnaturel qui les inspire.
L'âme enthousiaste est une âme affranchie qui peut se permettre de parler seule et sur laquelle les préjugés, les objections et les objurgations de la pensée demeurent sans aucune force aussi longtemps que dure la vibration surnaturelle. C'est un état d'ivresse, mais d'ivresse divine, qui n'altère ni ne déshonore la raison, mais qui l'emporte comme un aigle emporte un enfant de roi dans la tempête, dans le tonnerre, dans ces espaces illimités qui prolongent jusqu'à notre planète le regard de Dieu.
Qu'est-ce donc après tout que la littérature ? la littérature seule, sans enthousiasme ? C'est la plus vile des courtisaneries et la plus déshonorée des inventions qui abrutissent. C'est l'acrobatie de la pensée sans l'excuse du gagne-pain, car on y crève de misère à tous les niveaux, si l'on n'y ajoute pas le très lucratif négoce du maquignonnage politique ou du scandale irréligieux et pornographique, et l'on sait que la littérature moderne fait à peine autre chose. Athée, fille d'athées, mère d'athées, trois fois sacrilège, soixante-dix-sept fois marquise de la luxure et de l'impiété, cette littérature est devenue quelque chose comme le vomissement des siècles sur le fumier définitif de la pensée et du langage.