Dédicace au recueil Le Chiffre de Borges (traduction de Claude Esteban).
Parmi les faits inexplicables qui forment l'univers ou le temps, le moins mystérieux de tous n'est assurément pas la dédicace d'un livre. On la définit comme une sorte de don, de présent. Hormis le cas de l'indifférente pièce de monnaie que la charité chrétienne laisse choir dans la main du pauvre, tout cadeau véritable est réciproque. Celui qui donne ne se prive pas de ce qu'il donne. Donner et recevoir sont une même chose.
Comme tous les actes de l'univers, la dédicace d'un livre est un acte magique. On pourrait aussi bien la définir comme la façon la plus agréable et la plus sensible de prononcer un nom. Je prononce maintenant votre nom, María Kodama. Tant de matins, tant de mers, tant de jardins d'Orient et d'Occident, tant de Virgile.
Buenos Aires, le 17 mai 1981.
J. L. B.