...ce que j'aime dans les villes algériennes ne se sépare pas des hommes qui les peuplent. Voilà pourquoi je préfère m'y trouver à cette heure du soir où les bureaux et les maisons déversent dans les rues, encore obscures, une foule jacassante qui finit par couler jusqu'aux boulevards devant la mer et commence à s'y taire, à mesure que vient la nuit et que les lumières du ciel, les phares de la baie et les lampes de la ville se rejoignent peu à peu dans la même palpitation indistincte. Tout un peuple se recueille ainsi au bord de l'eau, mille solitudes jaillissent de la foule. Alors commencent les grandes nuits d'Afrique, l'exil royal, l'exaltation désespérée qui attend le voyageur solitaire... Non, décidément, n'allez pas là-bas si vous sentez le cœur tiède, et si votre âme est une bête pauvre ! Mais, pour ceux qui connaissent les déchirements du oui et du non, de midi et des minuits, de la révolte et de l'amour, pour ceux enfin qui aiment les bûchers devant la mer, il y a, là-bas, une flamme qui les attend. |