Tant qu’un auteur se borne à faire le récit d’événements ou à dessiner les imperceptibles méandres d’une conscience, nous pouvons le supposer omniscient ; dès qu’il s’abaisse à raisonner, nous savons qu’il est faillible. La réalité fait agir des faits, non des raisonnements ; nous tolérons que Dieu affirme : « Je Suis Celui qui Suis » (Exode III, 14), non qu’il formule et analyse comme Hegel ou Saint Anselme, l’argumentum ontologicum. Dieu ne doit pas faire de théologie ; l’écrivain ne doit pas anéantir par des raisonnements humains la foi momentanée que l’art exige de nous. Il est à cela une autre raison ; l’auteur qui montre de l’aversion pour un personnage paraît ne pas le connaître entièrement, paraît confesser qu’il n’est pas inévitable à ses yeux. Nous nous méfions de son intelligence comme nous nous méfierions de celle d’un Dieu qui maintiendrait des cieux et un enfer. Dieu, comme l’a écrit Spinoza (Ethique VI,17) , ne hait et n’aime personne. |