Entre La Colère ! Elle souffle des Vérités insupportables en toute liberté, dans le monde littérature, elle est souveraine, elle qui, dans le pays quotidien, est surveillée et punie. Ouf! s'écrie-t-elle, ici, enfin je peux vomir mes laves et proférer mes insultes. C'est moi qui cause. C'est moi qui ose. Je suis le chef furieux de la littérature. J'attaque. Je dirige l'Iliade. Je casse tout. Et je suis adorée. Tous les êtres humains, à commencer par les lecteurs, me vouent une joyeuse reconnaissance. J'incarne leurs pulsions de mort. Tuer son père, sa mère, le roi, l'enfant, c'est mon œuvre et ma mission. Je suis là pour représenter les massacres et les effrois qui se bousculent dans l'enclos des rêves. Je vous fais jouir de vos égorgements. Je suis l'esprit irrité de Yaweh dans la Bible, c'est moi qui souffle à Job ses imprécations, à Moïse ses mauvaises pensées. Quel délice quand Jean Santeuil crie à Monsieur et Madame "Vous êtes deux imbéciles", en plein salon littéraire. Quand Stendhal s'enivre de haines sanguinaires, c'est moi. A la lanterne, Chérubin et Séraphie ! C'est moi tous les délires que chante Shakespeare. Je suis la froide et sadique loi qui condamne le fils Kafka, à chaque fois qu'il désire. Les ouragans de Dostoïevski, moi. Les cent vingt fureurs de Don Quichotte, c'est très moi. |
Oui la littérature chante la Colère, elle célèbre la divine furie à qui elle doit son existence.
La Colère est à jamais la même enchaînée déchaînée, qu'elle hurle grec ou russe c'est toujours la même tragédie. Seul l'ameublement de la chambre varie.