Il y avait en lui un paysan suprêmement cultivé. Rien du "gentleman-farmer" à la Gide. Mais une autorité noueuse, une force souveraine, totalement pour, ou contre, sans souci de quelque ombre de contestation chinoise à sa quête. N'admettant, non sans grogner, qu'une certaine fatigue, une difficulté à respirer, celle-là même qui devait l'emporter, semble-t-il. Avec, dans les intonations d'une voix magnifiquement timbrée, un je ne sais quoi de parisien, de "rayeur", sans la moindre vulgarité. Tranchant dans le vif de tout langage, de toute morale qui lui paraissaient à côté. Fort d'un merveilleux instinct de destruction, il avait foulé trop de mauvaises herbes pour s'en faire accroire par qui que ce soit. Le seul homme qu'il disait regretter : Benjamin Péret. Gageons que celui-là ne l'avait jamais trahi, mes plus chers amis s'y entendant. Il n'était plus question de travailler, d'écrire ("C'est trop douloureux"). En avait-il jamais été question ? Et son oeuvre n'est-elle pas - hors les indispensables Manifestes- comme un fervent éloge de la meilleure paresse, comme un admirable mariage entre tout et le rien, l'impensable capté dans son vol le plus haut, le plus libéré, le plus inutile ?
André Breton donnait une extraordinaire impression de respect. Respect de tout ce qui se vit. Haine rien moins qu'aveugle de tout ce qui tend à dégrader les libertés de cette vie, qu'il jugeait bon - voire consolant- de prétendre la seule; que nous continuerons de juger à sa manière, dût notre voyage s'en trouver quelque peu assombri, perturbé, dans un monde où licence nous est donnée de douter s'il n'est pas plutôt fait pour les fauves que pour les hommes.
Aimer ou ne pas aimer, voilà la question. Oui. La vie d'André Breton a merveilleusement répondu.