Brume dorée, édredon moelleux. Un nouvel éveil, qui n'est peut-être pas encore le bon. Ceci arrive assez souvent : vous reprenez vos esprit et vous voilà, disons, assis dans un élégant compartiment de seconde classe en compagnie d'un couple d'élégants inconnus; en réalité, ce n'est qu'un faux réveil, simplement le niveau suivant de votre rêve, comme si vous vous éleviez d'une strate à une autre strate, mais sans atteindre encore la surface, sans émerger dans la réalité. Cependant, votre esprit ensorcelé prend une nouvelle couche du rêve pour la porte du réel. Vous y croyez et, retenant votre souffle, vous quittez la gare où vous étiez parvenu à travers des fantasmes immémoriaux, et vous traversez la place de la gare. Vous ne discernez presque rien car la nuit est brouillée par la pluie, vos lunettes sont embuées et vous souhaitez atteindre aussi vite que possible l'hôtel fantomatique qui est de l'autre côté de la place pour vous laver le visage, changer de manchettes et vous en aller errer le long des rues éblouissantes. Quelque chose arrive pourtant, un contre-temps absurde, et ce qui vous semblait réel perd tout à coup le frémissement et la saveur de la réalité. Vous vous étiez trompé : vous êtes encore profondément endormi. Une somnolence incohérente vient obscurcir votre esprit. Puis arrive un nouveau moment de lucidité trompeuse : cette brume dorée et votre chambre dans cet hôtel, qui s'appelle le Montevideo. Un boutiquier de chez vous, Berlinois nostalgique, avait inscrit ce nom pour vous sur un bout de papier. Qui sait ? Cette réalité-là est-elle la vraie réalité, ou simplement un nouveau rêve trompeur ? |