Quand on est enfant, on n'use pas de mots ( et les mots ne sont pas usés). Je suis en ce temps-là très loin des adjectifs, des substantifs. Je ne peux pas dire ni même penser : admirable, immense, puissance. Mais je suis capable de le ressentir. A quel point les arbres aux troncs rectilignes s'élancent vers la voûte nocturne fermée au-dessus de moi, enfermant comme un tunnel la brèche sanglante de route de latérite qui va d'Ogoja vers Obudu, à quel point dans les clairières des villages je ressens les corps nus, brillants de sueur, les silhouettes larges des femmes, les enfants accrochés à leur hanche, tout cela qui forme un ensemble cohérent, dénué de mensonge.