Ce texte est dédié à ma mère adorée, à sa mémoire. |
La sainteté n’est rien de ce qu’on imagine. J’ai rencontré aujourd’hui une troupe de primevères bavardant à l’air libre et faisant de leurs bavardages une prière qui montait droit au ciel. Leur cœur était ouvert aux pluies, aux sécheresses et même à l’arrachement. Ne pas choisir dans ce qui vient était leur manière impeccable d’être saintes. Je piétinais dans mes pensées quand elles me sont apparues sur le bas-côté de la route, offrant à la lumière le berceau coloré de leurs pétales. Le vent faisait vibrer leurs formes, imprimant sur un fond d’herbes un texte digne de louanges. Tous ceux que je rencontre me font de la peine. Je vois une ombre – un chagrin, une absence, un manque – traverser leurs yeux même quand ils rient, comme un petit lézard qui se faufilerait entre deux pierres, tremblant d’être aperçu. Et moi, je suis pareil à eux. Mon cœur bat dans le noir. (…) L’éclat des primevères pour m’arriver, avait dû déchirer la nuit qui entoure mon cœur. Je tiens pour un miracle de voir des choses très pauvres. Je ne me lasse pas de ces miracles et suis bien incapable d’expliquer pourquoi parfois il n’y a rien, pourquoi parfois il y a tout. Le paradis, ce serait de vivre une journée entière comme une seule de ces primevères. |