Comment appeler, en effet, cet état permanent d'exception, ou encore ce régime d'extase tenu sans effort mais pas sans discipline, à la fois spontanément et avec préméditation : c'est le mot d'ivresse qui me vient et qui pour moi convient le mieux. Nous partirons dans l'ivresse, je répète, nous partirons dans l'ivresse, comme on l'entendait sur Radio Londres. Pourquoi l'ivresse ? Parce qu'elle a une histoire, et une histoire qui est au cœur de l'histoire comme de cette histoire. Si l'histoire est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et ne signifiant rien, si, en d'autres termes, les hommes, sobres ou non, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, y titubent tous ivres morts chacun à leur manière plus ou moins déguisée, ivres de pouvoir, d'argent, d'ignorance, de bêtise, de délires divers, errant d'ersatz en pulsion et de pulsion en ersatz - peut-être faut-il élaborer une science de l'ivresse, une ivresse sublimement lucide et détachée. |