Norris pondait ces livres au rythme d'un ou parfois deux par an, en trois volumes qui ne comptaient pas trop de mots à la page, parfaitement ajustés au système des bibliothèques de prêt qui constituaient son principal marché. Ils offraient matière à s'émerveiller, ces romans, car ils ne possédaient aucune espèce de saveur distinctive. Henry les assimilait dans son esprit à des tasses de thé versé d'une théière où on avait, par inadvertance omis de mettre les feuilles de thé, et servies à des personnes qui étaient trop polies pour se permettre une remarque, ou en réalité n'aimaient pas le thé. La théière et les tasses étaient d'un modèle irréprochable, l'eau avait la température parfaite et coulait librement du bec de la théière, mais le breuvage était absolument incolore et insipide. C'étaient des romans faits pour ceux qui aimaient en avoir toujours un sous la main, mais n'avaient guère le goût de la lecture en soi. On pouvait les refermer aussi facilement qu'on les ouvrait et, cinq minutes après en avoir fini un, on ne se souvenait pas d'un traître mot. |