M. Jules Rigard avait des idées très arrêtées sur l’instruction, une raideur de pion, une importance sacerdotale qui, loin de m’encourager à apprendre, me dégoûtèrent vite de l’étude. On lui avait dit, sans doute, que mon intelligence était paresseuse et tardive, et, comme je ne compris rien à ses premières leçons, il s’en tint à ce premier jugement et me traita ainsi qu’un enfant idiot. Jamais il ne lui vint à l’esprit de pénétrer dans mon jeune cerveau, d’interroger mon cœur ; jamais il ne se demanda si, sous ce masque triste d’enfant solitaire, il n’y avait pas des aspirations ardentes, devançant mon âge, toute une nature passionnée et inquiète, ivre de savoir, qui s’était intérieurement et mal développée dans le silence des pensées contenues et des enthousiasmes muets. M. Rigard m’abrutit de grec et de latin, et ce fut tout. Ah ! Combien d’enfants qui, compris et dirigés, seraient de grands hommes peut-être s’ils n’avaient été déformés pour toujours par cet effroyable coup de pouce au cerveau du père imbécile ou du professeur ignorant ! |