- Fausto ne peut se mettre d'accord sur rien ni sur personne." Son visage s'éclaira un peu. "Tu le connais maintenant. C'est une créature unique. Un génie. Tu es convaincu ? On l'adore ou on le déteste. - Il est terrible aussi " hasardai- je. Elle eut un rire heureux. "Mais bien sûr." Elle haussa un peu le ton. "Terrible, le diable, un châtiment de Dieu, tout ce que vous voulez. Mais les autres ? Qui sont- ils ? Où sont- ils ? Où vont- ils ? Que veulent- ils ? Tu ne vois pas autour de toi ? Le monde? Un échec ?" Elle avait libéré une main, et son pouce, à l'ongle plat et rosé, s'arrachait régulièrement à la prise des autres doigts refermés. "Un échec, rien de plus, répéta- t- elle tout bas. - Je l'ai vu dire et faire certaines choses. Sa violence... Et puis, bien sûr, on baisse les bras, on justifie, on s'amuse même et on lui donne raison. Je suis vraiment son ami, et il le sait." Elle nia d'un geste de la tête, qui contrastait avec son sourire mélancolique et secret. "Ni toi ni personne. Je te l'ai déjà dit. Il ne peut pas avoir d'ami. Il ne peut pas. - Et pourtant... - Je veux dire: tu ressens peut- être de l'amitié pour lui, je n'en doute pas, reprit- elle prudemment en martelant ses mots. Mais tu vois bien que tu discutes, toi aussi, que tu trouves à redire, que tu bâtis des raisonnements sur lui, non ? Or il échappe aux raisonnements. Avec lui, deux plus deux ne font jamais quatre, peut-être cinq, peut-être trois, jamais quatre. Lui, on le choisit et c'est tout. |