Sans doute il se serait lassé de cet amusement dans la campagne s'il n'avait découvert un lieu auquel il s'attacha avec une profonde amitié.
C'était sur le bord de la mer, juste derrière la colline pierreuse qui cache le bourg de Chryssonissi. On parvenait là par un terre-plein semé de floraisons plus riches que partout ailleurs en ce printemps: des sortes de marguerites avec leur large disque orange, des lotiers de Crète jaune d'or, l'astragale rose et pourpre. Cela formait une sorte de chemin qui débouchait entre deux rochers s'ouvrant sur des rocailles presque noires où venaient se briser les vagues.
Iannis allait s'asseoir contre l'un des deux rochers et il se trouvait ainsi entre deux régions follement différentes, l'une avec la douceur silencieuse des fleurs, l'autre vouée au fracas du ressac et aux embruns.
La grande surprise de Iannis fut de découvrir parmi les rocailles marines trois ou quatre tiges rameuses et toutes raides pourvues de petites corolles d'un violet profond et qui semblaient nées de la mer.
En ce lieu ouvert aux vents du large les flots étaient toujours agités. Vers la gauche, un peu plus loin, s'élevait une falaise, qu'on appelait la falaise de l'ange parce que, lors des tempêtes, la vague montait dans un grand habit d'écume et demeurait longtemps suspendue avant de retomber.
Iannis ne pouvait se lasser de la sauvagerie de la mer qui s'alliait à la tendresse de la campagne proche. La sauvagerie comme la tendresse lui emplissaient le coeur et il restait là de longues heures.