C'est alors qu'il entendit une voix de femme s'élever lentement: un chant fragile et beau. Il en éprouva un frisson par tout le corps. C'était une voix aérienne. En l'écoutant on ne pouvait s'empêcher de penser à Dieu. Il ne savait pas d'où venait la voix, ni à qui elle s'adressait. Non, il ne savait rien de tout cela. (...) Johannes reprit son souffle tandis que la musique emplissait l'église, emplissait son âme, lui traversait le corps et l'esprit. Il avait si souvent espéré cette scène, cet instant qu'il croyait encore impossible quelques secondes plus tôt ! Cette voix ne chantait pas simplement pour Dieu. Johannes savait qu'elle chantait aussi pour lui. Il en était absolument persuadé. Cette voix était celle de son opéra, comme son opéra était voué à cette voix. Cette femme, cette inconnue, possédait un peu de la part du rêve qui était en lui. Et lui- même possédait un peu de son âme. C'était ainsi. Johannes resta agenouillé, transi d'émotion, frissonnant de plaisir et de bonheur. Il n'osait ouvrir les yeux de peur que le charme disparût, que la voix s'interrompît. Il ne voulait pas que le chant s'arrêtât. Il fallait attendre encore, attendre que quelque chose se passât, que quelque chose se formât, vécût et crût en lui. Comme une naissance. Comme un enfantement. Comme un déchirement. Un accouchement d'une partie de son âme dans la douleur et le plaisir. |