Cet au-delà miséreux dans lequel il se complaît depuis le décès de Gloria Vancouver, comme s'il avait à expier cette disparition, alors que rien ne.
On aimerait tout dire à la fois, évoquer dans la même pâte narrative les miasmes, les insomnies, les hallucinations, le renoncement catatonique, la sueur et la sueur.
Et le cadre où cela est vécu.
Les domiciles de la déchéance, on pourrait en décrire plusieurs. L'ultime adresse, venelle du Tarrafeiro, est au coeur du vieux Macau, tout à côté du port intérieur. Dans un quartier, Patane, que Breughel s'obstine à appeler le port intérieur. Mais l'endroit dont Breughel parle d'abord n'a pas de nom. C'est un bidonville construit sur un marécage, à Taipa, sur la première des deux îles, au pied de l'hôtel New Century, exactement en face du luxueux sauna de l'hôtel.
Taipa, donc, mais les âmes distraites ne remarquent pas toujours ce bidonville en miniature, un fouillis de buissons et de masures qui, pendant le jour, paraissent abandonnées. L'ambiance du lieu désole et désole. Un réseau de planches zigzague sur l'eau putride. Il y a les broussailles, les fils de fer d'une ancienne clôture, les murs de tôle, les murs bâtis avec des briques que l'humidité a effritées, les cadenas sur les portes, les odeurs de décomposition qui soufflent depuis un petit hangar de parpaings où une entreprise d'élevage a installé un poulailler et un égorgeoir à volailles.
A cette époque, en pleine année du coq, quand Breughel choisit ce décor pour y ruminer sur la fin de toute chose, des gens tiennent un restaurant au centre du marécage. Une gargote ouverte toute la nuit.
Des guirlandes d'ampoules vermillon éclairent le chemin jusqu'aux tables, et ensuite elles colorent les tables, les consommateurs, les bols de soupe, du moins quand il n'a pas plu, quand les boues n'ont pas monté, quand l'établissement n'est pas fermé pour cause de crue.
Breughel rôde là plusieurs semaines, toléré par les Chinois à qui il verse un loyer quotidien et qui, malgré cette relation commerciale, affectent de ne pas croire aux preuves de son existence.
Il partage son espace avec un chien et des bouteilles de butane.