Alors qu’elle ne faisait rien, elle ne paraissait pas inoccupée. Des sentiments variés traversaient ses yeux, des pensées tendaient puis détendaient son front, ses lèvres retenaient mille discours qui voulaient s’échapper. Dotée d’une riche vie intérieure, Emma van A. se partageait entre les pages d’un roman ouvert sur ses genoux et les afflux de songes qui l’envahissaient dès qu’elle relevait la tête vers la baie. J’avais l’impression qu’il y avait deux navires qui cheminaient, séparés, le navire de ses pensées et le navire du livre ; de temps en temps, lorsqu’elle baissait son regard, leurs sillages se mêlaient un instant, partageant leurs vagues, puis son navire à elle continuait sa route. Elle lisait dans le but de ne pas dériver seule, elle lisait non pour remplir un vide spirituel mais pour accompagner un imaginaire trop puissant. De la littérature comme une saignée afin d’éviter la fièvre |