Dès son arrivée chez moi, le jeune homme me rappela une vérité que j'avais déjà observée quelques années auparavant. Selon une opinion répandue, il est dangereux de nourrir des espoirs trop ambitieux. Cette maxime appliquée à la lettre appelle à quelque réserve : elle n'est vérifiée que dans la mesure où l'objet de notre attente est de médiocre valeur. En revanche, s'il se place au-dessus des valeurs habituelles, il peut nous apporter d'immenses satisfactions, à l'inverse du vulgum pecus qui, avec son esprit terre-à-terre n'en croit pas ses yeux s'il est confronté à la réalisation d'expectatives exceptionnelles. En l'occurrence, bien qu'avisé des qualités remarquables de M. Wyndham, je n'ai éprouvé aucune déception lors de ma première rencontre avec lui. Néanmoins je désirais être attentif à tout ce qui prévenait en faveur de son physique : en fait il surpassait en beauté, en noblesse tout ce que j'avais jamais vu au point que les mots ne peuvent rendre l'impression qu'il m'a faite.
Ces pensées traversèrent mon esprit avec la rapidité de l'éclair quand au premier coup d’œil je vis, comme sortant des nuages, la beauté et la force virile surgir devant moi. La puissance, comme sa contemplation, a le don d'exercer sur-le-champ un effet apaisant sur nos conflits intérieurs. Je repris mon calme; je regardai le nouveau venu posément; nous nous inclinâmes. Au moment où il relevait la tête, je suivis son regard, un regard propre à éclairer des traits aussi nobles :
Alliant l'éclat de l'étoile
A celui d'un ciel estival,
regard que la Nature avait choisi pour être l'expression de la bienveillance et de la sérénité. Je fus surpris cependant et rempli plutôt de consternation que de tristesse, en observant dans ces yeux une lueur de chagrin intense comme il ne sied guère à un jeune homme et relevant plutôt d'une douleur humaine, douleur qui aurait convenu à un prophète juif, ayant chargé sur ses épaules tous les malheurs du monde.