Milena m'a regardée longuement en silence; rien en moi n'a tenté d'esquiver son regard.
"Vos yeux voient des abîmes, ces jours derniers..." a-t-elle dit.
J'ai fait signe que oui et cette seule concession m'a mise au bord des larmes. Je me suis aussitôt excusée par un vieux réflexe:
"Je n'ai jamais pleuré autrefois, vous savez- ce n'est pas mon genre. Mais, depuis trois jours, je ne sais pas ce qui m'arrive.
- Savez- vous ce que vous êtes en train de traverser ?"
J'ai fait signe que non.
"La nuit des âmes".
J'ai senti l'inutilité de poser une question. Ces mots me suffisaient. Je percevais à leur densité que ce malheur n'était pas mon seul tribut; que je foulais là, en somme, une piste sauvage mais aussi vieille que le monde. Ma solitude, tout en subsistant, s'inscrivait dans la trajectoire d'autres errances.