Mais si je monte sur cette passerelle et que devant moi se déroule un clavier de millions de touches, des millions, des millions et des milliards de touches, qui ne finissent jamais, et ce clavier-là, il est infini
Et si ce clavier est infini, alors
Sur ce clavier-là, il n'y a aucune musique que tu puisses jouer. Tu n'es pas assis sur le bon tabouret : ce piano-là, c'est Dieu qui y joue
Nom d'un chien, mais tu les as seulement vues, ces rues ?
Rien qu'en rues, il y en avait des milliers, comment vous faites là-bas pour en choisir une
Pour choisir une femme
Une maison, une terre qui soit la vôtre, un paysage à regarder, une manière de mourir
Tout ce monde, là
Ce monde collé à toi, et tu ne sais même pas où il finit
Jusqu'où il y en a
Vous n'avez jamais peur, vous, d'exploser, rien que d'y penser, à toute cette énormité, rien que d'y penser ? D'y vivre...
Moi, j'y suis né, sur ce bateau. Et le monde y passait, mais par deux mille personnes à la fois. Et des désirs, il y en avait aussi, mais pas plus que ce qui pouvait tenir entre la proue et la poupe. Tu jouais ton bonheur, sur un clavier qui n'était pas infini.
C'est ça que j'ai appris, moi. La terre, c'est un bateau trop grand pour moi. C'est un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas.