Tu attendrais. Tu attendrais comme tu as attendu la tombée de la neige : tu attendrais sa fonte. Sous elle germerait un printemps proche. Avec lui te seraient rendues l'enfance, l'innocence et la foi, tous les trésors qu'enterrent les choses et qui pourtant dorment toujours, comme sous une neige noire, dans une âme d'homme. Fondant, la neige exhalerait des odeurs de terre et de foin, de lilas, de thym, d'ortie, de menthe - Tout parlerait. Chaque flocon s'évaporant, chaque ruisseau, chaque arbre. (...) Sur le grand tronc du peuplier, intact, tu irais lire l'histoire de ta vie, gravée par tu ne sais qui, déchiffrant l'écorce et la lumière et la rosée. Alors tu saurais ce que tu fais là. Tu ne serais plus cette chose vide qui n'attend rien. Ton regard se souviendrait soudain du feu qui chantait dans l'âtre: tu aurais, dans ta peau d'ancêtre, sous le masque travaillant de la mort, les yeux étincelants du désir. Tout serait comblé. |