La médiocrité souvent malfaisante de leur intelligence, l'étroitesse mesquine de leurs conceptions et de leurs jugements, leur absence de générosité, la révoltante dureté de leur comportement à l'égard de ceux qui sont directement sous leurs ordres ou dépendent d'eux de façon ou d'autre, leur arrogance dans l'autorité, la froideur de leurs sentiments font qu'ils sont unanimement abhorrés et qu'on ne se prive pas de leur souhaiter les pires calamités. Encouragés, certains n'hésiteraient pas à l'occasion à user contre eux de violence sanguinaire tant ils ont eu à souffrir de leurs mauvais traitements. D'autres, dont je suis, ont pardonné, mais chez moi la cicatrice reste sensible; quel droit avaient-ils de me mentir au point de réussir à me faire croire que je n'étais pas qu'un inexplicable accident de l'incessant tourbillon, mais bien une espèce de parcelle vivante d'une indestructible volonté toute-puissante ? Quel endurcissement dans la perversion ne faut-il pas pour inventer et propager de semblables élucubrations en leur donnant l'accent de la vérité? Si conciliant soit-on, on reste confondu de l'ampleur de cette malhonnêteté, car même une fois décelée, reconnue pour telle, rejetée avec un dédain ironique, il n'empêche que des traces subsistent en soi, comme un feu qui couve, rallumé au moindre fléchissement de la volonté, à la moindre alerte risquant de mal tourner ou de mettre ses jours en danger; reliquat ignoble d'une espérance sans fondement qui ne contribue qu'à miner des forces grâce auxquelles il serait peut-être possible de surmonter victorieusement les phases les plus critiques. Qu'escomptent-ils de la rudesse, des intransigeances dont ils se targuent comme de qualités insurpassables, que recouvre leur haine du bonheur, sinon un effroyable dessèchement du coeur qu'ils donnent en exemple à qui veut les entendre ? Or, inutile de se leurrer, cette imposture ne cessera que le jour où on nous aura délivrés de l'absurde angoisse du questionnement. |