La Polonaise était sa seule amie. Sa confidente, sa conseillère. Maintenant le dernier cri, c'était de "se faire engager comme extra", autrement dit, d'épouser un étranger. Pour La Polonaise, rien de plus facile, elle avait fait des études, elle était écrivain (mais elle n'avait connaissance d'aucun livre de son amie), elle parlait anglais, japonais, français, allemand, italien, hongrois, russe et espéranto, parce qu'on ne sait jamais ce que le lit nous réserve. Dès que cela sentait l'Italien, La Polonaise rappliquait. Elle adorait les Italiens. Les Français, tu vois, c'est le genre archiromantique, mais ils se contentent de t'offrir un parfum de chez Tati, deux repas avec des huîtres et adieu Berthe...Les Espagnols te dorent la pilule à coups de chorizo acheté dans les boutiques en dollars, les diplotiendas. Les Allemands estiment que le meilleur dédommagement est de t'aider à parfaire ton accent. Les Japonais te bavent sur la nuque qu'ils te massent comme des kinés et avant de se tirer ils te font cadeau d'un album de photos, les plus généreux te laissent le souvenir impérissable d'une chaîne de la technologie la plus avancée et d'aiguilles d'acupuncture à planter dans les oreilles pour calmer l'angoisse. Les Anglais sont tous mariés et tous fauchés : ils n'ont que des remords plein les poches ! Les Canadiens, des fans de la plage à tout-va. Avec les Yankees, tu te récoltes à coup sûr une étiquette d'agent de la CIA, alors qu'en réalité tu es simplement en train de baiser avec l'ennemi, histoire de le délester de vingt dollars qui te serviront à acheter dans la première diplobidule venue du dentifrice, du savon et du déodorant pour te venger du blocus. Les Latino-Américains n'ont que la dette extérieure à la bouche, les révolutions en gestation, la corruption des présidents, la faim et la misère, mais que le Tiers-monde tombe aux oubliette au quart de tour dès que la vue d'un cul de Noire au crâne ras s'offre à leurs yeux exorbités. Fibre primitiviste qu'ils partagent avec les Espagnols, mais alors que ceux-ci se dédouanent de leur passé d'esclavagistes en offrant des miroirs et autres babioles, les Latinos, eux, ne se sont toujours pas libérés de leurs rêves de contremaîtres, de négriers, en définitive...L'ancien camp socialiste restait à explorer, mais La Polonaise avouait que les esprits tordus n'étaient pas son for. |