On le nommait le doux Thierry et ce n’était pas une antiphrase. Il était doux comme les plumules des colombes, doux comme les saintes huiles, doux comme la lune. Qu’on ne me soupçonne pas ici d’exagération. Il était vraiment si doux qu’on ne pouvait imaginer un individu appartenant au sexe mâle et, par conséquent, appelé à la reproduction de l’espèce, qui le pût être davantage. Il fondait dans la main comme du chocolat, lénifiait l’ambiance, faisait penser aux cocons des chenilles les plus soyeuses. Rien n’aurait pu le mettre en colère, exciter son indignation, et ce fut le désespoir d’un éducateur acharné à viriliser le néant, de ne jamais obtenir le plus pâle éclair, quelque furieusement qu’il attisât et qu’il fourgonnât cette conscience gélatineuse. Plusieurs fois, j’entrepris de me rassurer en supposant une de ces natures que je demande la permission de nommer eucharistiques « trempées d’ambroisie et de miel », disait Chénier, dont la force consiste précisément à tout endurer et qui semblent placées aux confins des tourbes humaines pour amortir les collisions ou les bousculades. Mais cet état n’est présumable qu’accompagné de la prédestination théologique, et, par malheur, ― je le reconnus trop tard, ― certaines appétences ou velléités obscures écartaient absolument l’hypothèse du « vase élu », où se complaisait ma jocrisserie de précepteur. Le doux Thierry était simplement un petit cochon et appartenait à la race peu dominatrice des Frôleurs compatissants. |