– Eh ! lequel ?
– Vous serez aimée !
– Par qui ?
– Par moi ! Si vous ne me jugez pas indigne de prétendre à votre tendresse...
– Vous êtes un prince de bonne mine, et votre habit vous va fort bien.
– .... Si vous daignez ne pas repousser mes vœux, je vous donnerai tout mon cœur, comme un autre royaume dont vous serez la souveraine, et je ne cesserai jamais d'être l'esclave reconnaissant de vos cruels caprices.
– Ah ! quel bonheur vous me promettez !
– Levez-vous donc, chère âme, et suivez-moi.
– Vous suivre ? déjà ? Attendez un peu. Il y a sans doute plus d'une chose tentante parmi tout ce que vous m'offrez, mais savez-vous si, pour l'obtenir, il ne me faudrait pas quitter mieux ?
– Que voulez-vous dire, princesse ?
– Je dors depuis un siècle, c'est vrai, mais, depuis un siècle, je rêve. Je suis reine aussi, dans mes songes, et de quel divin royaume ! Mon palais a des murs de lumière; j'ai pour courtisans des anges qui me célèbrent en des musiques d'une douceur infinie, je marche sur des jonchées d'étoiles. Si vous saviez de quelles belles robes je m'habille, et les fruits sans pareils que l'on met sur ma table, et les vins de miel où je trempe mes lèvres ! Pour ce qui est de l'amour, croyez bien qu'il ne me fait pas défaut; car je suis adorée par un époux plus beau que tous les princes du monde et fidèle depuis cent ans. Tout bien considéré, monseigneur, je crois que je ne gagnerais rien à sortir de mon enchantement; je vous prie de me laisser dormir.