C'est avec délicatesse et pourtant avec une certaine dureté, qu'il s'agit d'attaquer une histoire rapportant qu'un jour un singe eut l'idée de se précipiter au café pour y rester assis des heures durant. Sur sa tête, qui n'avait vraiment rien d'inintelligent, il portait un chapeau melon, qui pourrait tout aussi bien être un chapeau mou, et ses mains étaient vêtues des gants les plus chics jamais exposés dans un magasin de mode masculine. Le complet était impeccable. En quelques bonds singulièrement agiles et élastiques, remarquables en eux-mêmes quoiqu'ils l'eussent quelque peu trahi, il se retrouva dans le salon de thé, qui était tout bruissant d'une musique entraînante semblable à un murmure de feuillage. Le singe était dans l'embarras quant à la place où il devait s'asseoir, soit dans un coin modeste, soit sans vergogne en plein milieu. Il préféra cette seconde solution, estimant qu'à l'évidence les singes pouvaient tout à fait se montrer, à condition de ne pas manquer aux bonnes manières. Avec mélancolie et pourtant avec joie, sans préjugés mais non sans timidité, il regarda autour de lui, découvrant plus d'un mignon minois muni de lèvres qui semblaient faites de jus de cerise, et des friandises en pure chantilly ou crème au sucre. Beaux yeux et mélodies harmonieuses renchérissaient à qui mieux mieux, et le narrateur que je suis n'en peut plus de dignité et de félicité en rapportant que le singe, avec un certain accent du terroir, demanda à la serveuse qui s'occupait de lui s'il avait la permission de se gratter le pelage. |