Nous entrâmes dans la monotonie, la langueur fanée de la plaine, dans un infini de fadeur douceâtre. Un semblant d'éternité, immense et attardée, levait, de ces lointains mornes, un mirage ayant pour toute haleine le vent décoloré qui soufflait sur l'ocre fané de l'horizon. De plus en plus pâles, de plus en plus énervées, sans force, les pages jaunies du paysage tournaient comme un roman vieilli, prêtes à se dissoudre en un immense vide éventé. Dans ce néant évanoui, ce nirvana jaune, nous aurions pu aboutir au-delà de toute réalité, hors du temps, et rester à jamais en plein paysage, au milieu des courants d'air stériles et tièdes -patache immobile haut perchée sur roues, prise aux nuages du parchemin céleste, gravure désuète, estampe oubliée dans un vieil in-folio décousu - lorsque notre cocher, par un dernier sursaut, secoua les rênes et, tirant la guimbarde hors de la douce léthargie des vents, tourna brusquement droit vers la forêt.