Enfin je t’envoie un petit croquis pour te donner au moins une idée de la tournure que prend le travail. Car aujourd’hui je m’y suis remis.
J’ai encore les yeux fatigués, mais enfin j’avais une nouvelle idée en tête et en voici le croquis. Toujours toile de 30.
C’est cette fois-ci ma chambre à coucher tout simplement, seulement la couleur doit ici faire la chose et en donnant par sa simplification un style plus grand aux choses, être suggestive ici du reposou du sommeil1en général. Enfin la vue du tableau doit reposer la tête ou plutôt l’imagination.
Les murs sont d’un violet pâle. Le sol est à carreaux rouges.
Le bois du lit et les chaises sont jaune beurre frais, le drap et les oreillers citron vert très clair.
La couverture rouge écarlate.
La fenêtre verte.
La table à toilette orangée, la cuvette bleue.
Les portes lilas.
Et c’est tout – rien dans cette chambre à volets clos.
La carrure des meubles doit maintenant encore exprimer le repos inébranlable.
Des portraits sur le mur et un miroir et un essuie-mains et quelques vêtements.
Le cadre – comme il n’y a pas de blanc dans le tableau – sera blanc.
Cela pour prendre ma revanche du repos forcé2que j’ai été obligé de prendre.
J’y travaillerai encore toute la journée demain, mais tu vois comme la conception est simple. Les ombres et ombres portées sont supprimées, c’est coloré à teintes plates et franches comme les crépons.
Cela va contraster avec par exemple la Diligence de Tarascon et le Café de nuit.
Je ne t’écris pas longtemps, car je vais commencer demain fort de bonne heure avec la lumière fraîche du matin, pour finir ma toile.
Comment vont les douleurs, n’oublie pas de m’en donner des nouvelles.
J’espère que tu écriras de ces jours-ci.
Je te ferai un jour des croquis des autres pièces aussi.
Je te serre bien la main,
t. à t.
Vincent
Arles, 16 octobre 1888.