J'ai l'impression, après avoir franchi son vestibule, d'entrer dans le centre de la nuit. Comme on respire profondément ! Ici, c'est le noyau, le cœur de la nuit gorgée de jasmin. Une grande lampe brûle au chevet du lit. Dans l'ombre rose de son abat jour Bianca repose au milieu d'énormes oreillers, portée par les draps en crue comme par la marée montante de la nuit. La fenêtre est ouverte, Bianca lit, la tête appuyée sur son bras blanc. Je m'incline profondément, elle me répond par un bref regard, détachant pour une seconde les yeux de son livre. Ve de près, sa beauté semble se contrôler, on dirait qu'elle se retire. Avec une joie sacrilège je note que le dessin de son petit nez est loin d'être noble et son teint loin d'être parfait. Je m'en aperçois avec un certain soulagement, bien que je sache que si elle efface ainsi son éclat, c'est uniquement par une sorte de pitié, pour ne pas me couper le souffle et la parole. Avec l'éloignement, sa beauté se régénère et devient vite douloureuse, démesurée et insupportable. |