Elle n'appartenait à personne, elle n'avait pas de nom, et nul n'aurait pu dire où elle passait les longs hivers glacés, ni de quoi elle se nourrissait. Les chiens de garde la chassaient loin des isbas bien chauffées, ils étaient aussi affamés qu'elle, mais forts et fiers d'appartenir à un foyer; quand, poussée par la faim ou par un besoin de compagnie instinctif, elle se montrait dans la rue, les enfants lui jetaient des pierres et des bâtons, les adultes poussaient des hurlements joyeux, des sifflements terribles et stridents. Éperdue de peur, courant de-ci, de-là en se heurtant aux clôtures et aux gens, elle fonçait au bout du village et se cachait au plus profond d'un grand jardin, dans un endroit qu'elle connaissait bien. Là, elle léchait ses blessures et ses plaies, ressassant dans sa solitude sa peur et sa rancune. |