Mon chéri, je suis dans ce car et tu m'attends dans la chambre et, moi, je sais que je ne vais pas revenir. Et j'ai beau penser que, toi, tu ne le sais pas encore, je suis triste, je suis triste pour toi. Il aurait fallu que je puisse prendre seule toute la peine. Mais comment ? On a beau être plein de peine, si plein qu'il faut se mordre les lèvres pour qu'elle ne sorte pas de sa bouche dans une plainte, si plein que les larmes sortent toutes seules des yeux - on n'a jamais pris toute la peine; il en reste toujours assez pour deux. Les gens me regardent dans cet autocar. Ils croient que c'est triste à cause de mes larmes. Je déteste les larmes. Elles sont trop bêtes. On pleure aussi quand on se cogne ou quand on épluche un oignon. On pleure quand on est vexé ou quand on a une autre peine. Pour ma peine de maintenant, j'aurais voulu ne pas pleurer. Je suis bien trop triste pour pleurer. |