Sans le mystère divin, il n'est pas de poésie. Nous avons besoin de poésie comme de pain et de vin, Déméter et Dionysos sont les images mythiques qui entretiennent en nous l'espoir et la vie. Qu'est-ce que la poésie sinon le pouvoir de recréer le monde en dehors de la science, des spéculations humaines et même de la nature ? L'espace mental des poètes est aussi vaste que celui des astrophysiciens. Celui-ci se fonde sur les mathématiques, celui-là sur le rêve. L'homme est le rêve d'une ombre, dit Pindare, et le monde est le rêve de Dieu. Les hommes de science parlent d'espaces infinis, les poètes de solitudes effrayantes qui confondent l'intelligence et la raison.
Il faut tenir compte de l'invisible pour comprendre le visible. Alors l'inconscient se transforme en conscient, la pesée devient acte et prend forme, l'imaginaire se fait homme. La fonction de l'imaginaire n'est pas de fuir le réel, mais au contraire de produire le réel, ce réel absolu qui consiste à sceller notre union avec le monde qui nous environne, avec les autres hommes et avec Dieu. Supprimer Dieu, le monde devient un désert de sable et les animaux comme les êtres humains disparaissent. Ne subsistent que les forces telluriques, la sauvagerie des volcans et des typhons.
Sans le mystère divin, il n'est pas de poésie. Nous avons besoin de poésie comme de pain et de vin, Déméter et Dionysos sont les images mythiques qui entretiennent en nous l'espoir et la vie. Qu'est-ce que la poésie sinon le pouvoir de recréer le monde en dehors de la science, des spéculations humaines et même de la nature ? L'espace mental des poètes est aussi vaste que celui des astrophysiciens. Celui-ci se fonde sur les mathématiques, celui-là sur le rêve. L'homme est le rêve d'une ombre, dit Pindare, et le monde est le rêve de Dieu. Les hommes de science parlent d'espaces infinis, les poètes de solitudes effrayantes qui confondent l'intelligence et la raison.
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Pascal n'aurait pas recouru à l'humiliant procédé du pari si la pertinence du discours suffisait à convaincre.
Il trouvait complètement stupide de passer du temps sur un écran qui remplaçait la réalité par le virtuel. Il était persuadé qu'il s'agissait de l'une des nombreuses formes d'hypocrisie qui se répandait sur la planète : cette incapacité à regarder les choses pour ce qu'elles sont vraiment, même si elles nous dégoûtent.
Nos convictions d'aujourd'hui ne vaudront rien demain. Nous mourons tous les soirs et renaissons tous les matins. C'est ainsi que le monde se renouvelle : à chaque instant. Ce n'est pas la constance qui nous fonde, mais l'instabilité, et tous ceux qui cherchent à être cohérents se font des illusions. Tout réside dans le fait d'accepter ce que nous sommes et de nous ouvrir à l'éventail immense de possibilités que la vie nous propose en permanence. Accepter le monde: voilà le secret. Vous vous souvenez de Nietzsche ?
J'aime la raison, mais non pas le rationalisme. La nation est une réalité, mais le nationalisme me hérisse. La matière est vénérable, mais un certain matérialisme est pure cécité. Je ne suis pas de ceux qui agaçaient Victor Hugo et qu'il rembarrait dans Les Travailleurs de la mer (I.1,7) : "De ce qu'un fait vous semble étrange, vous concluez qu'il n'est pas. On a vite fait de dire : c'est puéril. Ce qui est puéril, c'est de se figurer qu'en se bandant les yeux devant l'inconnu, on supprime l'inconnu."
Une élégance supérieure nous déconcerte. Cette absence d’embarras, de prophétisme et de pathétisme ; ces idéaux précis ; ce tempérament entre les curiosités et les puissances, toujours rétabli par un maître de l’équilibre; ce dédain de l’illusionnisme et des artifices, et chez le plus ingénieux des hommes ; cette ignorance du théâtre, ce sont des scandales pour nous. Quoi de plus dur à concevoir pour des êtres comme nous sommes, qui faisons de la « sensibilité » une sorte de profession, qui prétendons à tout posséder dans quelques effets élémentaires de contraste et de résonance nerveuse, et à tout saisir quand nous nous donnons l’illusion de nous confondre à la substance chatoyante et mobile de notre durée ?
Relire, donc, relire après l’oubli, se relire, sans ombre de tendresse, sans paternité; avec froideur et acuité critique, et dans une attente terriblement créatrice de ridicule et de mépris, l’air étranger, l’œil destructeur, c’est refaire, ou pressentir que l’on referait, bien différemment, son travail. L’objet en vaudrait la peine. Mais il n’a pas cessé d’être au-dessus de mes forces.
Et alors, j'ai pris feu dans ma solitude, car l'écriture c'est se consumer...
L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes. Mais si la flamme déclenche l'alerte, la spontanéité du feu reste mystérieuse. Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres. Sortant du sommeil de la nuit, je me suis réveillé dans les flammes.
Tant de beauté me force à rire ! Quel luxe ! quel éclat! quelle vigueur de la couleur inextinguible ! C'est l'Aurore. O Dieu, que ce bleu a donc pour moi de la nouveauté! que ce vert est tendre ! qu'il est frais! et, regardant vers le ciel ultérieur, quelle paix, de le voir si noir encore que les étoiles y clignent. (...) Bois, ô mon coeur, à ces délices inépuisables ! (...) O lumière! noie toutes les choses transitoires au sein de ton abîme. Vienne midi, et il me sera donné de considérer ton règne, Été, et de consommer, consolidé dans ma joie, le jour, - assis parmi la paix de toute la terre, dans la solitude céréale. Pour entrer dans des considérations plus particulières, je dirai que les hommes au milieu desquels je vis inspirent dans leur malheur un sentiment qui n’est pas la pitié. Il y a quelque chose de vrai dans cette idée qu’on n’inspire que ce qu’on éprouve. Or, les paysans de nos contrées ne sont point tendres. Durs aux autres et à eux-mêmes, ils vivent dans une gravité morose. Cette gravité se gagne, et l’on se sent près d’eux l’âme triste et morne. Ce qu’il y a de beau dans leur physionomie morale, c’est qu’ils gardent très pures les grandes lignes de l’humanité. Comme ils pensent rarement et peu, leur pensée revêt d’elle-même, à certaines heures, un aspect solennel. J’ai entendu quelques-uns d’entre eux prononcer en mourant de courtes et fortes paroles, dignes des vieillards de la Bible. Ils peuvent être admirables ; ils ne sont point touchants. Tout est simple en eux, même la maladie. La réflexion n’augmente pas leurs souffrances. Ils ne sont pas comme ces êtres trop réfléchis qui se font de leurs maux une image plus importune que leurs maux eux-mêmes. Ils meurent si naturellement qu’on ne peut s’en inquiéter beaucoup. Enfin j’ajouterai qu’ils se ressemblent tous et que rien de particulier ne disparaît avec chacun d’eux.
C'est d'après Tite-Live que je m'étais fait une image de la guerre. Or, je vous atteste, bois, prés, collines, rives de la Sambre et de la Meuse, cette image était fausse. La guerre, telle que je la fis, consiste à traverser des villages incendiés, à coucher dans la boue, à entendre siffler des balles pendant de longues et mélancoliques factions de nuit; mais de combats singuliers et de batailles rangées, je n'en vis point. Nous dormions peu et nous ne mangions pas. Floridor, mon sergent, ancien garde française, jurait que nous menions "une vie de fête"; il exagérait, mais nous n'étions pas malheureux, car nous avions la conscience de faire notre devoir et d'être utiles à la patrie.
359- Il ne me paraît pas que les hommes grossiers, de mœurs basses et de peu d'esprit, méritent un si bel organisme, ni une telle variété de rouages que les hommes spéculatifs et de grand esprit. Les premiers ne sont qu'un sac où entre la nourriture et d'où elle sort. On doit les assimiler à un canal pour l'alimentation, car rien ne me prouve qu'ils participent à l'espèce humaine, sinon la voix et la figure; pour le reste ils sont assez semblables aux bêtes.
De même, à Paris, impossible de visiter une exposition de peinture
sans tomber sur quelque rezzou pédagogique en maraude, serré autour d'une femelle tonitruante et péremptoire, qui règle le compte de Vélasquez ou de La Tour en trois coups de cuiller à pot. Le prêt-à-porter culturel vous pourchasse de salle en salle, et vous expulse de ces rendez-vous solitaires du plaisir comme d'un mauvais lieu. La promesse d'immortalité faite à l'homme, dans la très faible mesure où il m'est possible d'y ajouter foi, tient moins, en ce qui me concerne, à la croyance qu'il ne retournera pas tout entier à la terre qu'à la persuasion instinctive où je suis
qu'il n'en est jamais tout à fait sorti.
Ce qui m'intéresse chez lui, c'est surtout l'usage très judicieux, efficace qu'il fait de cette langue entièrement artificielle-entièrement littéraire- qu'il a tirée de la langue parlée. Langue constamment en mouvement, parce que sa syntaxe implique un perpétuel porte à faux, qu'il utilise comme une "lancée", comme une incitation presque mécanique au lyrisme (une fois embarqué dans sa phrase, il lui faut accélérer coûte que coûte comme un cycliste). Il s'est forgé un instrument qui par nature ne pouvait pas être maîtrisé : il ne pouvait que s'y livrer comme d'autres se risquent à la drogue.
(Arts n° 13, 22-28 décembre 1965) Il y a dans Céline un homme qui s'est mis en marche derrière son clairon. J'ai le sentiment que ses dons exceptionnels de vociférateur, auxquels il était incapable de résister, l'entraîneraient inflexiblement vers les thèmes à haute teneur de risque, les thèmes paniques, obsidionaux, frénétiques, parmi lesquels l'antisémitisme, électivement, était fait pour l'aspirer. Le drame que peuvent faire naître chez un artiste les exigences de l'instrument qu'il a reçu en don, exigences qui sont –parfois à demi monstrueuses- avant tout celles de son plein emploi, a dû se jouer ici dans toute son ampleur. Quiconque a reçu en cadeau, pour son malheur, la flûte du preneur de rats, on l'empêchera difficilement de mener les enfants à la rivière
...les difficultés souvent ne sont là que pour le savoir, l'horrible paralysant savoir. C'est pourtant évident qu'il n'y a rien à savoir. Mais la société des hommes aime à accumuler les richesses, à les enfermer comme des trésors. Vivre, connaître la vie, c'est le plus léger, le plus subtil des apprentissages. Rien à voir avec le savoir.
S'il faut savoir quelque chose, que ce soit réel, que ce soit clair et évident, rapide comme la lumière et précis comme le mouvement. Savoir les choses du corps, les choses des mains, des pieds, des yeux, de la langue. Savoir nager. Savoir marcher. Savoir respirer. Savoir lier, tresser. Savoir sculpter, peindre, modeler. Le reste, ce qu'est un homme, ce qu'est une pensée, ce qu'est la vie, la mémoire, le langage, comme tout cela a peu d'urgence. L'extraordinaire, ce ne sont pas les monuments ni les légendes, ni les prouesses des conquérants qui le donnent; mais l'harmonie subtile qui est dans le langage. Qu'il n'y ait pas un homme qui n'ait su apprendre à se servir de cette musique, l'adapter à ses besoins, à ses désirs, voilà un miracle. Qu'il n'y ait pas mille possibilités de parler, mais une seule, réelle, et cependant qu'il n'y ait pas deux paroles, deux gouttes d'eau identiques, voilà l'extraordinaire. |
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