Avoir une conception du monde (Weltansschauung), c'est se former une image du monde et de soi-même, savoir ce qu'est le monde, savoir ce que l'on est. Si l'on prenait cela au pied de la lettre ce serait exagéré. Personne ne peut savoir ce qu'est le monde; personne ne peut davantage savoir ce qu'il est. Cela veut donc dire, cum grano salis : la meilleure connaissance possible. Cette meilleure connaissance possible exige du savoir et a horreur des suppositions gratuites, des affirmations arbitraires, des opinions d'autorité. Elle cherche au contraire des hypothèses solidement fondées, sans oublier jamais que tout savoir est borné et sujet à erreur. (...) Nous ne pouvons nous voir pleinement que dans le miroir de l'image que nous nous donnons du monde. Nous n'apparaissons que dans l'image que nous créons. C'est dans notre acte créateur que nous sommes pleinement en lumière et que nous pouvons nous connaître comme totalité. Jamais nous ne prêtons au monde d'autre visage que le nôtre; mais nous devons le faire pour pouvoir nous trouver nous-mêmes. Car l'homme est au-dessus du but en soi de la science ou de l'art; il est le créateur de ses instruments. Le monde n'existe pas uniquement en soi et pour soi; il est aussi tel qu'il m'apparaît. |