Seul un sot s'intéresse à la faute des autres, à laquelle il ne peut rien changer. L'homme intelligent puise ses enseignements dans ses propres fautes. Il se posera la question : qui suis-je donc pour que tout cela m'arrive ? Il contemplera ses propres profondeurs pour y chercher la réponse à cette question fatidique. L'être qui est un homme dans toute l'acceptation du terme, se rend compte que son ennemi le plus redoutable, et même qu'une coalition de ses ennemis, ne peut se comparer en malfaisance à celle de son adversaire le plus acharné, à savoir l'adversaire intérieur, l' "autre que l'on porte en son sein". Nietzsche avait Wagner "en lui"; c'est pourquoi il lui a envié son Parsifal; mais pis encore, lui, Saül avait Paul en lui. C'est pourquoi Nietzsche devint un stigmatisé de l'esprit; il lui fallut subir la christification, comme Saül quand "l'autre" lui inspira "Ecce homo". Qui "s'écroula devant la croix", Wagner ou Nietzsche ? Nous sommes ce couple de Dioscures, dont l'un est mortel et l'autre immortel, qui sont toujours ensemble et qui pourtant ne peuvent être totalement réunis. Les processus de métamorphoses cherchent à nous rapprocher de cette relation intérieure; mais la conscience éprouve des résistances parce que l'autre paraît étranger et effrayant; et comme nous ne pouvons pas nous habituer à l'idée de ne pas être l'unique maître dans notre propre maison nous préfèrerions n'être jamais que notre Moi et rien par ailleurs. Nous sommes confrontés avec cet ami, ou ennemi, intérieur et il dépend de nous qu'il soit pour nous un ami ou un ennemi. L'autre est évidemment, dans son genre, aussi partial que le Moi dans un autre. Il peut sortir vérité et sens du conflit entre les deux, mais uniquement lorsque le Moi est disposé à reconnaître à l'autre, comme il est juste, une personnalité. |