Il est des expériences qu'on ne peut que faire, mais jamais remplacer par la raison. Elles sont souvent d'une valeur inestimable. On ne saurait imaginer aucun système et aucune vérité qui apporteraient à l'homme ce dont il a besoin pour vivre, à savoir la croyance, l'espérance, l'amour et la connaissance. - Ces quatre suprêmes conquêtes des aspirations humaines sont comme autant de grâces que l'on ne peut ni enseigner ni apprendre, qu'on ne pourrait les prendre, qu'on ne saurait pas plus dérober qu'on ne pourrait les gagner, car elles sont liées à une condition irrationnelle, soustraite à l'arbitraire humain, à savoir à l'expérience vivante que l'on en fait. Or ces expériences-là, on ne saurait les "fabriquer". Elles se produisent non pas dans l'absolu, mais heureusement de façon relative, c'est-à-dire dans un noeud et un contexte de relations humaines. Tout ce que nous pouvons faire avec nos moyens humains, c'est de tenter vers elles une marche d'approche. Il est des voies qui acheminent dans le voisinage des expériences, mais on devrait s'interdire d'appeler ces voies des "méthodes", car ce terme agit de façon stérilisante sur la vie et, en outre, le sentier qui acheminera vers une expérience vécue ne s'emprunte point par jeu ou par artifice, mais bien plus par une entreprise hasardeuse, qui va exiger l'adhésion inconditionnée de toute la personnalité. Angoisse en tout bien tout honneur ! - mais une entreprise courageuse et sérieuse, qui exige que l'homme tout entier entre en lice, il faut la soutenir. Si on la combat on tente, en fait, d'écraser ce qui est le meilleur en l'homme : sa courageuse audace, sa suprême aspiration; et si on y réussissait, on aurait entravé l'expérience infiniment précieuse qui aurait pu, seule, donner un sens à la vie. |