Je ne puis aimer personne si je ne m'aime pas moi-même. C'est la raison pour laquelle on se sent tellement mal à l'aise en présence d'hommes qui se distinguent par leurs façons particulièrement vertueuses, parce qu'il rayonne d'eux l'atmosphère du tourment qu'ils se font à eux-mêmes. Or cela n'est point vertu, mais au contraire vice. Du prétendu bien, qui jadis était vraiment bon, s'est développé quelque chose qui n'est plus bon; c'est un subterfuge. Aujourd'hui, n'importe quel poltron peut inspirer le respect en allant à l'église et en aimant son prochain. Mais c'est simplement une fausse position, un monde artificiel. Vivre en se fuyant soi-même est amer et vivre avec soi-même exige un ensemble un ensemble de vertus chrétiennes qu'il faut s'appliquer à soi-même : patience, amour, foi, espérance et humilité. (...) Il vaut mieux toujours apprendre à se supporter que de se faire la guerre soi-même : au lieu de faire de ses difficultés intérieures des fantaisies qui tournent en rond sans profit, il vaut mieux les transformer en vécu réel. Du moins vit-on en agissant ainsi, au lieu de se consommer en des luttes stériles. Si les hommes avaient appris à voir la bassesse de leur nature, on pourrait espérer que, de cette manière, ils comprendraient mieux leurs semblables et qu'ils les aimeraient. |