Le monde impose une certaine conduite et les professionnels s'efforcent de se conformer à ses attentes. Celui qui y réussit est tout au moins un bluffeur. Le seul danger que l'on courre est de s'identifier à la "persona". Ainsi le professeur avec son manuel, ou le ténor avec sa voix. Alors le malheur est accompli, car on ne vit plus que comme si on incarnait le personnage de sa propre biographie. On ne peut exécuter humainement aucune activité simple, car il est écrit d'avance "...et alors il se rend ici ou là et dit ceci ou cela etc". La tunique de Déjanire s'est incrustée dans sa peau. Et il faut la décision désespérée d'Hercule pour arracher du corps cette tunique de Nessus et pour descendre dans le feu dévorant de la flamme d'éternité et se métamorphoser en ce que l'on est réellement. En exagérant légèrement, on pourrait dire : "la persona" c'est, à vrai dire, ce que quelqu'un n'est pas; elle est ce que lui et les autres pensent qu'il est. En tous cas la tentation est grande d'être ce qu'on paraît, parce que la "persona" se paie le plus souvent argent comptant. (...) L'identification de l'individu avec son emploi ou son titre est de même si séduisante que beaucoup n'ont d'autre existence que celle que leur dignité sociale leur confère. Il serait vain de chercher là un caractère personnel; derrière le magnifique décor, on ne trouverait qu'un petit fantoche bien pitoyable. En un mot, les charges ou les titres ne sont séduisants que parce qu'ils sont des compensations faciles à des insuffisances personnelles. |