Voici ce qui nous arrive dans la musique : on doit commencer par apprendre à entendre une séquence et une mélodie, la dégager par l'ouïe, la distinguer, l'isoler et la délimiter en tant que vie à part ; il faut alors effort et bonne volonté pour la supporter,malgré son étrangeté, il faut faire preuve de patience envers son aspect et son expression, de charité envers ce qu'elle a d'étrange : vient enfin un moment où nous sommes habitués à elle, où nous l'attendons, où nous pressentons qu'elle nous manquerait si elle n'était pas là ; et désormais, elle ne cesse d'exercer sur nous sa contrainte et son enchantement et ne s'arrête pas avant que nous soyons devenus ses amants humbles et ravis qui n'attendent plus rien de meilleur du monde qu'elle et encore elle. —Mais ceci ne nous arrive pas seulement avec la musique : c'est exactement de cette manière que nous avons appris à aimer toutes les choses que nous aimons à présent. Nous finissons toujours par être récompensés pour notre bonne volonté, notre patience, équité, mansuétude envers l'étrangeté en ceci que l'étrangeté retire lentement son voile et se présente sous la forme d'une nouvelle et indicible beauté : — c'est son remerciement pour notre hospitalité. Qui s'aime soi-même l'aura appris aussi en suivant cette voie : il n'y a pas d'autre voie. L'amour aussi doit s'apprendre.
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Quels gens désagréables que ceux chez qui tout penchant naturel devient immédiatement maladie, quelque chose qui altère, ou même quelque chose d’ignominieux, — ceux-ci nous ont induits à l’opinion que les penchants et les instincts de l’homme sont mauvais, ils sont la cause de notre grande injustice à l’égard de notre nature, à l’égard de toute nature ! Il y a suffisamment d’hommes qui peuvent s’abandonner à leurs penchants avec grâce et inconscience ; mais ils ne le font pas, par crainte de ce « mauvais esprit » imaginaire qui s’appelle la nature ! De là vient que l’on trouve si peu de noblesse parmi les hommes : car l’on reconnaîtra toujours la noblesse à l’absence de crainte devant soi-même, à l’incapacité de faire quelque chose de honteux, au besoin de s’élever dans les airs sans hésitation, de voler où nous sommes poussés, — nous autres oiseaux nés libres ! Où que nous allions, tout devient libre et ensoleillé autour de nous.
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