L'instinct guerrier est si fort qu'il est le premier à apparaître quand on gratte la civilisation pour retrouver la nature. On sait combien les petits garçons aiment à se battre. Ils recevront des coups. Mais ils auront eu la satisfaction d'en donner. On a dit avec raison que les jeux de l'enfant étaient les exercices préparatoires auxquels la nature le convie en vue de la besogne qui incombe à l'homme fait. Mais on peut aller plus loin, et voir des exercices préparatoires ou des jeux dans la plupart des guerres enregistrées par l'histoire, Quand on considère la futilité des motifs qui provoquèrent bon nombre d'entre elles, on pense aux duellistes de Marion Delorme qui s'entre-tuaient "pour rien, pour le plaisir, ou bien encore à l'Irlandais cité par Lord Brise, qui ne pouvait voir deux hommes échanger des coups de poing dans la rue sans poser la question : "Ceci est-il une affaire privée, ou peut-on se mettre de la partie ?" En revanche, si l'on place à côté des querelles accidentelles les guerres décisives, qui aboutirent à l'anéantissement d'un peuple, on comprend que celles-ci furent la raison d'être de celles-là : il fallait un instinct de guerre, et parce qu'il existait en vue de guerres féroces qu'on pourrait appeler naturelles, une foule de guerres accidentelles ont eu lieu, simplement pour empêcher l'arme de se rouiller. - Qu'on songe maintenant à l'exaltation des peuples au commencement d'une guerre ! Il y a là sans doute une réaction défensive contre la peur, une stimulation automatique des courages. Mais il y a aussi le sentiment qu'on était fait pour une vie de risque et d'aventure, comme si la paix n'était qu'une halte entre deux guerres.
L'exaltation tombe bientôt, car la souffrance est grande. Mais si on laisse de côté la dernière guerre, dont l'horreur a dépassé tout ce qu'on croyait possible, il est curieux de voir comme les souffrances de la guerre s'oublient vite pendant la paix.