Soufflez, les vents, soufflez, jusqu'à crever vos joues;
Faites rage, soufflez! Trombes et cataractes,
Submergez nos clochers et noyez-en le coq!
O vous feux sulfureux, prompts comme la pensée,
Avant-coureurs du coup qui fend en deux le chêne,
Grillez mes cheveux blancs ! Foudre qui tout ébranle,
Aplatis la rondeur et l'épaisseur du monde,
Romps ce que la nature a de moules; sur l'heure,
Tout germe qui produit l'homme ingrat, détruis-le.
Le Fou.
Mon oncle, mieux vaut eau bénite de cour en un
logis où l'on est bien au sec, qu'eau de pluie hors
du logis. Mon bon oncle, rentre auprès de tes filles et
leur demande leur bénédiction: voilà une nuit qui n'a
de pitié pour le sage ni pour le fou.
Lear.
Va, gronde tout ton saoûl; crache, feu; verse, pluie;
Vous, je ne vous reproche,éléments, d'être ingrats,
Vous, je ne vous ai point fait présent d'un royaume,
Ni nommé mes enfants: d'où ne me devez-vous
Nulle soumission. Lancez donc contre moi
Votre horrible décret. Je suis là, votre chose,
Un pauvre et faible vieux, débile et rebuté...