ACTE IV
Le théâtre représente une caverne obscure et inhabitée, qui conduit hors des Enfers.
Scène première.
Orphée amène Eurydice par la main, sans la regarder.
[...]
ORPHÉE
Eurydice, suis-moi,
Profitons sans retard de la faveur céleste;
Sortons, fuyons ce lieu funeste.
Non, tu n'es plus une ombre, et le dieu des amours
Va nous réunir pour toujours.
EURYDICE
Qu'entends-je ? Ah ! Se peut-il ?
Heureuse destinée !
Eh quoi! nous pourrons resserrer
D'amour la chaîne fortunée ?
ORPHÉE
Oui, suis mes pas sans différer.
(Il quitte la main d'Eurydice.)
EURYDICE
Mais, par ta main ma main n'est plus pressée !
Quoi! Tu fuis ces regards que tu chérissais tant !
Ton cœur pour Eurydice est-il indifférent ?
La fraîcheur de mes traits serait-elle effacée ?
ORPHÉE (à part.)
Oh dieux! quelle contrainte !
(Haut.)
Eurydice, suis-moi...
Fuyons de ces lieux, le temps presse,
Je voudrais t'exprimer l'excès de ma tendresse...
(A part.)
Mais, je ne puis ! ô trop funeste loi !
EURYDICE (tendrement.)
Un seul de tes regards !...
ORPHÉE
Tu me glaces d'effroi !
EURYDICE
Ah ! Barbare !
Sont-ce là les douceurs que ton cœur me prépare ?
Est-ce donc là le prix de mon amour ?
Ô fortune jalouse !
Orphée, hélas ! se refuse en ce jour
Aux transports innocents de sa fidèle épouse.
ORPHÉE
Par tes soupçons, cesse de m'outrager.
EURYDICE
Tu me rends à la vie, et c'est pour m'affliger !
Dieux, reprenez un bienfait que j'abhorre1 !
Ah ! cruel époux, laisse-moi !
ORPHÉE
Viens ! Suis un époux qui t'adore.