(Il lève le voile en tremblant, et se prosterne. On voit la statue de Galathée posée sur un piédestal fort petit, mais exhaussé par un gradin de marbre, formé de quelques marches demi-circulaires.)
O Galathée! recevez mon hommage. Oui je me suis trompé : j'ai voulu vous faire Nymphe, et je vous ai faite Déesse : Vénus même est moins belle que vous.
Vanité, faiblesse humaine ! je ne puis me lasser d'admirer mon ouvrage; je m'enivre d'amour-propre; je m'adore dans ce que j'ai fait... Non jamais rien de si beau ne parut dans la nature; j'ai passé l'ouvrage des dieux... Quoi ! tant de beautés sortent de mes mains ? Mes mains les ont donc touchées ? Ma bouche a donc pu... Pygmalion ! Je vois un défaut. Ce vêtement couvre trop le nu; il faut l'échancrer davantage; les charmes qu'il recèle doivent être mieux annoncés.
(Il prend son maillet et son ciseau, puis s'avançant lentement, il monte, en hésitant, les gradins de la statue qu'il semble n'oser toucher. Enfin, le ciseau déjà levé, il s'arrête.)
Quel tremblement! quel trouble ! Je tiens le ciseau d'une main mal assurée... je ne puis... je n'ose... je gâterai tout.
(Il s'encourage, et enfin, présentant son ciseau, il en donne un seul coup, et, saisi d'effroi, il le laisse tomber, en poussant un grand cri.)
Dieux ! je sens la chair palpitante repousser le ciseau !
(Il redescend, tremblant et confus.)
...Vaine terreur, fol aveuglement... Non, je n'y toucherai point; les Dieux m'épouvantent. Sans doute elle est déjà consacrée à leur rang.
(Il la considère de nouveau.)
Que veux-tu changer ? regarde; quels nouveaux charmes veux-tu lui donner ?... Ah ! c'est la perfection qui fait son défaut... Divine Galathée ! moins parfaite, il ne te manquerait rien. ( Tendrement.) Mais il te manque une âme : ta figure ne peut s'en passer. (Avec plus d'attendrissement encore.) Que l'âme faite pour animer un tel corps doit être belle !