La veille de son départ, il fit à son sujet un rêve voluptueux d'une espèce singulière. Il était pendu, à une potence ou à une branche élevée, en tous cas à une grande hauteur - il faisait soleil- et cette posture, au moins inconfortable, ne semblait pas entraîner d'inconvénient immédiat, puisqu'il considérait avec un particulier plaisir le paysage illuminé et les têtes des arbres qui s'arrondissaient très loin au-dessous de lui - si court que ses pieds nus par moments effleuraient presque les cheveux blonds - Mona était pendue elle-même par le cou à une corde mince qui lui serrait les chevilles. Le vent les balançait tous deux très lentement dans l'air frais et agréable, et par la corde qui étranglait Mona, surtout quand elle était secouée de légères convulsions qui lui soulevaient les épaules, il lui venait, à ses chevilles serrées et aussi au cou où la corde le serrait à mesure, une communication si exquise de son poids vivant et nu qui retirait, qui le traversait et qui le comblait, qu'il éprouvait une volupté jamais ressentie et que l'exercice périlleux s'acheva dans l'indécence finale qu'on attribue aux pendus.
Toute la matinée qui suivit cette trouvaille bizarre du rêve le laissa flotter dans une espèce de chaleur épuisante, dévorée. Et c'était quand même, se disait-il, un étrange, un poignant rêve d'amour, d'une intimité vraiment bouleversante. Le silence, et la hauteur, la rumeur de mer, étaient ceux des sommets déjà pierreux où le vent commence à écrêter les arbres, ou encore des falaises très élevées d'où l’œil plonge sur le coeur d'une ville.