Louis de la Brochette a du succès et le fait qu'il soit beau ne gâche rien. Il n'imagine jamais, reproduit toujours, convaincu d'innover.
Quand Einstein disait que l'imagination est plus importante que le savoir, il ignorait qu'au 21ème siècle, dans les grandes entreprises internationales, ce serait l'inverse pour une large majorité de ceux qui les constituent. La marge de manœuvre est quasiment nulle pour la plupart des milliers de diplômés qui débarquent tous les ans dans le monde barbare du travail. Monde impitoyable qui va broyer irréversiblement leurs rêves d'enfant à leur insu, tout du moins pour ceux qui en avaient. Pour eux, l'absence de talent et d'imagination est une force qui les aide à épouser la politique de leur société, à rentrer dans le moule, à marcher au pas. Ils sont disciplinés depuis leur plus jeune âge, formés par des théories, technocrates dans l'âme et dépourvus de bon sens, prêts naturellement à se soumettre à la hiérarchie. Si on leur demandait de vendre des cercueils à deux places, ils le feraient. Sans problème et, en plus, avec conviction.
Dans ce contexte, Louis est comme un poisson dans l'eau, je dirais même plus, comme dans un bocal. Mon grand frère n'a pas conscience que tous les aristocrates ne sont pas des Jean d'Ormesson, loin de là, et il s'en fout; il réussit. Son Académie à lui, c'est sa fiche de paie, son prix Goncourt sa bagnole, sa décoration sa femme. Et Louis semble heureux. "Il faut de tout pour faire un monde", a coutume de dire Vanessa. Exceptionnellement, je lui donne raison.