De cela, Monsieur- et aussi de ce que Corentin le père bien sûr ne savait pas lire, mais encore à peine parler, et seulement patois, excellait seulement dans le savant mélange de vins violets et d'alcools blancs; de ce que sa présence, sa vie, était à elle seule, pour qui lit Virgile, une honte inexpiable ( ce qui bien sûr quand on lit Virgile, quand vraiment on le lit avec le coeur, et non pas à la façon déboussolée d'un écolier limousin, est un solécisme inexpiable, mais ceci est une autre affaire ); de ce que, privé de langage, le père l'était aussi de ce qu'on appelle l'esprit; que d'ailleurs s'il s'était avisé d'avoir de l'esprit et de jurer lui aussi que Dieu est un chien cela aurait donné quelque chose d'informe qu'on peut transcrire à peu près par Diàu ei ùn tchi, une sorte d'éternuement - de cela tout découle, tout ce qui nous intéresse : la curiosité intellectuelle, la volonté, l'âpreté littéraire, et pour finir l'impeccable réversion de l'injure patoise en petits sonnets anacréontiques; le grand couteau limousin tout à fait dissimulé dans des bouquets de fleurs versifiables; et, avec tous ces dons et le collet de petit apprenti abbé, la fréquentation à dix-huit ans du terne salon littéraire dans Orléans près de la porte de Bourgogne, dans ce salon quand il lisait ses vers toutes les têtes des bons abbés à tabatière de buis opinant, se rengorgeant, ne voulant pas voir le grand couteau; enfin dans ce même salon la rencontre inévitable de Suzanne qui, vous le savez déjà, aimait à sa façon distraite l'anacréontisme, qui aussi, vous vous en doutez, aimait le désir à cause des dix lieues de désir satisfait visibles depuis Orléans jusqu'à Montargis et qui, vous ne vous en doutez pas moins, s'éprit frileusement mais tout entière de l'anacréon limousin. Car curieusement cette indignité secrète, cette puissance de reniement que François Corentin portait en lui et dissimulait sous le petit collet, cette impression qu'on est une taupe et qu'on doit à tout prix le cacher sous n'importe quelle plume, aigle ou paon, ou colombe, ce fardeau, ce déchirement rend fervent, brûlant, beau aux yeux des femmes.
A lui donc, et d'une certaine façon il les méritait bien, les lys et les roses.
A lui dans le même mouvement la paternité de François-Elie Corentin, le Tiepolo de la Terreur, à qui il arriva de peindre Les Onze.