hommes !
méduses !
eucalyptus !
femmes aux yeux verts !
chats du Bengale !
pylônes !
villes !
sources !
herbes vertes, herbes jaunes !
Est-ce que cela veut dire quelque chose, vraiment ? J’ajoute mes mots, j’augmente de quelques murmures l’immense brouhaha Je noircis encore quelques lignes, là, pour rien, pour détruire, pour dire que je suis vivant, pour tracer encore de nouveaux points et de nouveaux traits sur la vieille surface spoliée Je jette mes chiffres inutiles, je comble les trous insatiables, les puits sans mémoire. J’ajoute encore quelques nœuds à l‘enchevêtrement, quelques excréments au tuyau du grand égout. Là où il y avait un espace blanc, où on voyait le vide pur, vite, j’écris, terreur, ankylose, chien enragé. Ce sont des yeux que je crève, des yeux clairs et innocents que j’ensanglante soudain de mon poinçon. Bruit, bruit, je te hais, mais je suis avec toi. Pris dans le silo, grain qui se fêle et laisse descendre sa poudre au milieu de la mer immobile des autres grains. Lettres qui recouvrent tout ! Rires, cris, gémissements, qui recouvrent tout ! Couleurs aux chapes de plomb ! Matière au corps de caillou ! Tombe vivante, poids qui s’écroule sur chacun de nous, et c’est moi qui pèse, qui m’appuie sur la tête et l’enfonce dans la terre. J’ai tout à dire, tout à dire ! J’entends, je répète ! Écho de l’écho, couloir de ma gorge où trébuchent les mots, couloirs de l’air, corridors sans fin du monde. Les fausses portes claquent, les fenêtres s’ouvrent sur d’autres fenêtres. Adieu, je voudrais dire. Adieu. Je parle aux vivants, je parle aux millions d’yeux, d’oreilles et de bouches cachés derrière les murs. Ils guettent. Ils vont et viennent, ils restent, ils ne font que dormir. Mais ils sont là. Nul ne peut les oublier. Le monde a mis ses tatouages de guerre, il s’est peint le corps et la face, et maintenant, le voici, muscles bandés, mains armées, yeux brûlant de la fièvre de vaincre. Qui va lancer la première flèche ?
Comment échapper au roman ?
Comment échapper au langage ?
Comment échapper, ne fût-ce qu’une fois, ne fût-ce qu’au mot COUTEAU ?